Une forteresse médiévale à gauche et un grand logis Renaissance à droite, à seulement quelques mètres l’un de l’autre, conjuguent deux époques.
Un peu d’histoire concernant ces châteaux.
La fondation des quatre Baronnies du Périgord : Bourdeilles, Biron, Beynac et Mareuil se situe au Xe siècle, mais ce n'est qu'au XIIe siècle qu'est attestée l'existence du village alors appelé Burgus ou Villa. La première source écrite de l'existence d'un site à Bourdeilles remonte à 1183. En 1273, Édouard 1er d‘Angleterre s’empare du château. La même année, les abbés de Brantôme, possesseurs des reliques de Saint-Sicaire, cherchent un refuge pour fuir des brigands. Ils se réfugient dans ce repaire noble appartenant aux Bourdeille, allant jusqu’à en réclamer la suzeraineté.
En 1280, le château devient la possession de l’Abbé Bernard de Maulmont qui favorise son frère Géraud de Maulmont en lui donnant en fief la châtellenie de Bourdeilles en 1283. Imposé comme co-seigneur il entreprend la construction du château médiéval tel qu’il existe, appelé le château des comtes (ou château neuf) à côté du château baronnial (détruit au cours des guerres que se firent les co-seigneurs de Bourdeilles au milieu du XIIIe siécle). Il se compose d'un logis seigneurial avec un donjon octogonal de 35 m de haut, avec des machicoulis en arc plein cintre sur consoles, meurtrières, arbalétrières, précédé d'une cour entourée de hautes murailles fortifiées, sur des fondations plus anciennes. L’architecture du XIIIe siécle est donc militaire, avec des murs épais de 2,50 mètres. Le château est écartelé durant des siècles entre les couronnes de France et d’Angleterre. A la mort de Géraud, Philippe le Bel, roi de France, prend possession de cette place-forte qu’il agrandira, malgré les protestations des anglais.
En 1369 le Prince Noir (Édouard de Woodstock, Fils aîné du roi d'Angleterre Édouard III qui l’a nommé Duc d’Aquitaine à l’âge de 32 ans) s’empare du château et les Anglais s’en rendront maîtres pendant huit ans mais le 17 août 1377, l’armée royale du duc d’Anjou menée par du Guesclin fait flotter définitivement l’étendard aux fleurs de lys au sommet du donjon de Bourdeilles, puis il assiège le proche château de Condat-sur-Trincou. Le 1er septembre c’est la ville d’Eymet qui est réprise par Jean de Beuil, lieutenant de du Guesclin, occupé au Siège de Bergerac. En septembre, les Anglais retranchés dans le bois Rudeau sur le rocher des Bernardières y sont battus par du Guesclin. La destruction de la puissance anglaise dans le midi et l’absorption de ces provinces au sein du royaume l’amène à faire le siège de Bergerac pour une soumission définitive de la Guyenne.
En 1481, Alain d’Albret comte du Périgord vend la partie comtale au Baron François de Bourdeille marié à Anne de Vivonne et parents d’André, de Pierre et de Jean de Bourdeille décédé en 1553.
Le 27 juin 1558, Jacquette de Montbron devient dame de Bourdeilles et de la Tour Blanche (belle-sœur de Pierre de Bourdeille connu sous le nom de Brantôme dont il était abbé commendataire) en épousant le vicomte André de Bourdeille et seigneur de la Tour Blanche devenu Sénéchal du Périgord en 1572, chevalier de l’Ordre, panetier ordinaire du roi Charles IX et conseiller d’Etat, qui s’efforcera de calmer les esprits durant les guerres de Religion.
André et Jacquette de Bourdeille auront six enfants.
À la mort de son époux en 1582, elle devient héritière de l’ensemble des biens et le gérera de façon à s’acquitter de lourdes dettes contractées par son mari au service du roi.
Leur fille Renée épouse en 1579 David Bouchard Vicomte d’Aubeterre, chevalier des ordres du Roi, nommé Sénéchal du Périgord en 1582 par le roi Henri III.
Jacquette de Bourdeille veuve en 1582 ne se remariera jamais. Informée des mérites de cette veuve, en 1587 Catherine de Médicis la fera appeler à Fontainebleau pour être une de ses dames d’honneur, devenant même une de ses favorites car elle parle l’Italien. Jacquette de Bourdeille est brillante. On l’a dit humaniste, lettrée, savante et passionnée de géométrie et d’architecture. Elle retournera sur ses terres périgourdines en 1588. Elle va recevoir de la part de la reine un leg de 4000 écus qu’elle utilisera pour faire construire, l’année suivante, le château Renaissance à proximité de la forteresse médiévale de Bourdeilles. Elle s'inspire de normes architecturales italiennes aménageant même une chambre pour la reine (décédée le 5 janvier 1589), qu’elle avait espéré recevoir en sa qualité de Dame de sa Cour... L’aile Est, ne sera jamais édifiée, faute de moyens.
Leur fils, le comte Henri 1er de Bourdeilles sera nommé Sénéchal en 1593 par Henri IV et leur petit-fils le Marquis François-Sicaire de Bourdeille le sera également en 1641 par Louis XIII.
En 1699 le très riche maître de forge Jean Bertin acquiert Bourdeilles, puis son fils Henri-Léonard Bertin de 1754 à 1789, Ministre des Finances du Roi, sera à son tour propriétaire du domaine entier. Nota Bene : Concernant Henri Léonard Bertin. A partir de 1763 il se fait remarquer en créant
l’école vétérinaire de Lyon en 1762, il va créer celles de Limoges en 1766, de Maisons-Alfort en 1767 entre autres, et on pourrait dire aujourd’hui que son père et lui-même, furent des « capitaines d’industrie », notamment décisionnaires aux Forges de la Boissière d’Ans, fournissant les canons de l’arsenal de Rochefort.
Proche des physiocrates, passionné de culture orientale, de sériciculture, Henri Bertin tente de créer à Bourdeilles un élevage de vers à soie et une filature.
Durant son ministère, on lui doit également un Cabinet des Chartes, réunissant un début de collection de documents antérieurs au XVe siècle pour ce qui deviendra le département des manuscrits de la Bibliothèque nationale.
Henri Léonard transmet le château à son cousin Henri II Chapelle de Jumihac jusqu’à la Révolution où, confisqué, le château sera transformé en fabrique de salpêtre.
En 1842, Joseph III Marie de Bourdeille rachète le domaine qui restera dans la famille
jusqu’à la mort du baron Henri III Hélie de Bourdeille en 1947.
C’est en 1962 que le dernier héritier Raoul de Hennin de Boussu Walcourt en fera don au Département de la Dordogne. La chance est au rendez-vous, puisque ce sont à deux passionnés que la restauration des lieux sera confiée. Madame Suzanne Bulteau et Monsieur Robert Santiard ont acquis l’usufruit des deux châteaux pour un franc symbolique. Ce couple de mécènes, jusqu’à leurs décès respectifs en 1968 et 1972 restaureront et redonneront sa splendeur au château Renaissance avec les riches collections achetées par eux, soit plus de 700 pièces datant du XVe au XIXe siècles. A l’arrivée des collections en 1967 les salles du château ont été changées. La cuisine est devenue « chapelle » et la salle à manger est devenue « salle d’armes » etc…
Le château de Bourdeilles figure sur la liste des Sites Majeurs d’Aquitaine et dès 1919 il a été classé « Monuments Historiques ».
Il se visite désormais toute l’année à l’exception du mois de janvier.
Nota Bene : Il est d’usage de mettre un « s » en parlant du château, du village de Bourdeilles et d’écrire Bourdeille sans « s » dès qu‘il s’agit du patronyme des seigneurs.
A medieval fortress on the left and a large Renaissance dwelling on the right, just a few meters from each other, combine two eras.
A little history about these castles.
The four Baronnies of Périgord: Bourdeilles, Biron, Beynac and Mareuil were founded in the 10th century, but it was not until the 12th century that the existence of the village then called Burgus or Villa was attested. The first written source of the existence of a site at Bourdeilles dates back to 1183. In 1273, Edward I of England seized the castle. The same year, the abbots of Brantôme, possessors of the relics of Saint-Sicaire, sought refuge to flee from the brigands. They take refuge in this noble lair belonging to the Bourdeilles, going so far as to claim its suzerainty.
In 1280, the castle became the possession of Abbot Bernard de Maulmont who favored his brother Géraud de Maulmont by giving him the châtellenie de Bourdeilles in fiefdom in 1283. Imposed as co-lord he undertook the construction of the medieval castle as he was. exist. It consists of a stately home with an octagonal keep 35 m high, with machicolations, loopholes, crossbow, preceded by a courtyard surrounded by high fortified walls, on older foundations. The 13th century architecture is therefore military, with walls 2.50 meters thick. The castle has been quartered for centuries between the crowns of France and England. When Géraud died, Philippe le Bold, King of France, took possession of this stronghold despite the protests of the English.
During the Hundred Years War, the English will be masters of it for eight years but on August 17, 1377, the royal army of the Duke of Anjou led by du Guesclin permanently floats the fleur-de-lys standard at the top of the keep. de Bourdeilles, then he besieged the nearby castle of Condat-sur-Trincou. On September 1, the town of Eymet was taken over by Jean de Beuil, lieutenant of du Guesclin, occupied at the Siege of Bergerac. In September, the English entrenched in Rudeau wood on the Bernardières rock were beaten there by du Guesclin. The destruction of English power in the south and the absorption of these provinces into the kingdom led to the siege of Bergerac for a final submission of Guyenne.
In 1481, Alain d´Albret comte du Périgord sold the count to Baron François de Bourdeille married to Anne de Vivonne and parents of André, Pierre and Jean de Bourdeille who died in 1553.
On June 27, 1558, Jacquette de Montbron became Dame de Bourdeilles et de la Tour Blanche (sister-in-law of Pierre de Bourdeille known under the name of Brantôme, of whom he was abbot commendatory) by marrying Viscount André de Bourdeille and Lord of the White Tower became Sénéchal du Périgord in 1572, knight of the Order, ordinary baker to King Charles IX and State Councilor, who will endeavor to calm the spirits during the Wars of Religion. The couple will have six children.
Jacquette de Montbron, widowed in 1582, would never remarry. She entered the service of the queen mother Catherine de Medici in 1587. She was one of her favorites until her return to her land in 1588. She will receive from the queen a legacy of 4000 crowns which she will use to build, the following year, the Renaissance castle near the medieval fortress of Bourdeilles. Humanist, literate and scholar, Jacquette de Montbron (1542 - 1598) is the only known woman architect in France during the Renaissance. It is inspired by Italian architectural standards even fitting out a bedroom for the queen, which she will hope to receive in her capacity as Lady of her Court ... The east wing will never be built, due to lack of resources.
Their son, Count Henri 1er de Bourdeilles will be named Sénéchal in 1593 by Henri IV and their grandson the Marquis François-Sicaire de Bourdeille will also be named in 1641 by Louis XIII.
Under Louis XV from 1720 to 1754, Jean Bertin then his son Henri-Léonard Bertin from 1754 to 1789, King's Minister of Finance, will own the entire estate.
Nota Bene: Concerning Henri Léonard Bertin. From 1763 he was noticed by creating the veterinary school of Lyon and that of Maisons-Alfort, among others, and we could say today that his father and himself, were "captains of industry", in particular decision-makers at the Forges de la Boissière d'Ans, supplying the guns for the Rochefort arsenal. Henri Léonard passed the castle on to his cousin Henri II Chapelle de Jumihac until the Revolution when, confiscated, the castle was transformed into a saltpeter factory.
In 1842, Joseph III Marie de Bourdeille bought the estate which will remain in the family
until the death of Baron Henri III Hélie de Bourdeille in 1947.
It was in 1962 that the last heir Raoul de Hennin de Boussu Walcourt donated it to the Dordogne Department. Luck is there, since the restoration of the premises will be entrusted to two enthusiasts. Madame Suzanne Bulteau and Monsieur Robert Santiard acquired the usufruct of the two châteaux for a symbolic franc. This couple of patrons, until their respective deaths in 1968 and 1972, will restore and restore the splendor of the Renaissance castle with the rich collections purchased by them, i.e. more than 700 pieces dating from the 15th to the 19th centuries. When the collections arrived in 1967, the rooms of the castle were changed. The kitchen became a "chapel" and the dining room became a "weapon room".
Bourdeilles castle is on the list of Major Sites in Aquitaine and since 1919 it has been classified as "Historic Monuments".
It can now be visited all year round with the exception of January.
Nota Bene : It is customary to put an "s" when talking about the castle, the village of Bourdeilles and to write Bourdeille without "s" when it comes to the surname of the lords.
Photo 1 -Guy Lallement
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