Aissé, princesse circassienne est venue au monde vers 1693 dans le Nord-Est du Caucase. Arrachée à ses parents tués par les armées turcs, l’enfant destinée à un harem est achetée en 1699 sur le marché d’esclaves de Constantinople par Charles de Ferriol (1652-1722), baron d’Argental, ambassadeur de France. Il la ramène en France et confie son éducation à sa belle-sœur Marie-Angélique née de Tencin épouse de son frère Augustin . En 1711 à 64 ans, quand Charles de Ferriol rentre définitivement de l’Empire ottoman, il ressent un vif orgueil qui n’est pas que paternel pour cette jeune fille de seize ans et l’installe, accompagnée des époux de Ferriol et de leurs deux fils avec qui elle avait été élevée, rue Neuve-des-Augustins dans son nouvel hôtel.
Aïssé est introduite dans la société parisienne. Marie-Angélique tient un salon fort apprécié, fréquenté par des philosophes et gens de lettres, parmi lesquels se pressent Voltaire et Montesquieu. Aïssé y occupe une place centrale, car belle, sûre d’elle et éduquée. Elle éveille la curiosité en ce XVIIIe siècle marqué par un orientalisme naissant, comme en témoignent « les lettres persanes » écrite par Montesquieu en 1720 ou « Zaïre » pièce écrite par Voltaire en 1732 et encore, en 1740, l’abbé Antoine-François Prévost dans « l’histoire d’une grecque moderne ».
Ses prétendants sont nombreux. Même le Régent, Philippe II d’Orléans, marié mais connu pour ses écarts, envisage une liaison qu’elle refuse, allant à l’encontre des codes sociaux de l’époque.
Blaise-Marie d’Aydie né au château de Vaugoubert le 27 mars 1692, chevalier de l’ordre de Malte de Saint-Jean-de-Jérusalem, brigadier des armées du roi, est le deuxième des neufs enfants du comte chevalier Armand d’Aydie et de Marie de Sainte-Aulaire. En 1720, « Le beau d’Aydie » la rencontre dans le salon de Madame du Deffand au cœur de la société mondaine et intellectuelle, la trouve délicieuse et il lui semble piquant de tenter sa chance dans une aventure où le Régent avait été battu. Il doit cependant employer le « suprême argument du mariage » pour arriver à ses fins et Aïssé, vaincue, se donne.
Ferréol n’est pas d’humeur à favoriser les justes noces de celle qui est sa chose et la belle âme, redoutant la jalousie de l’ambassadeur autoritaire et violent jusqu’à la démence qu’Aissé doit nommer « Aga ». refuse l’offre de mariage du chevalier de Malte qui, religieux, devrait renoncer à son serment, quitter son ordre et, n’étant pas l’aîné de sa famille, vivre dans des conditions très modestes.
La liaison du chevalier et de Mademoiselle Aïssé est au début, entourée du plus grand mystère. Elle n’a pas voulu avouer à Madame de Ferriol chez qui elle loge, sa future maternité. Une amie, Marie-Claire Deschamps de Marsilly, remariée avec lord Bolingbroke qui vient de recevoir la permission de rentrer en Angleterre, assure vouloir emmener Aïssé avec eux. En réalité, c’est dans un faubourg de Paris qu’entourée de soins attentifs, elle met au monde en 1721 une petite fille qui reçoit le nom de Célinie Leblond et Lord et Lady Bolingbroke l’emmenent en Angleterre. Plus tard, la faisant passer pour leur nièce, ils la placent au couvent des Visantines de Notre-Dame à Sens et plusieurs fois par an Aïssé et d’Aydie viennent voir l’enfant qui les considère comme ses bienfaiteurs.
Charles de Ferreol est emporté en 1722 par une attaque cérébrale et, ignorant la situation, lui assure une rente que le cardinal de Fleury sera amené à réduire au profit du trésor, la laissant à demi ruinée.
Nous devons à Aïssé elle-même de connaître son existence, car elle s’inscrira dans l’histoire en tant « qu’épistolière des Lumières ».
En effet, elle va entretenir, de 1726 à 1733, une importante correspondance avec son amie genevoise, Julie Clanderini née Pelissary dite Madame Calandrini. Dans ses lettres, elle rapporte la vie de la société parisienne durant les premières années du règne de Louis XV, en un style enjoué. Dès 1727, ses lettres qui semblent destinées au public, comme ce fut une coutume constante de l’ancien régime, parlent aussi de sa passion pour le chevalier mais aussi de ses tortures d’âme et si on assiste lettre par lettre, à l’évolution de l’implacable phtisie qui devait l’emporter, on voit aussi le progrès de ses dévorantes angoisses à vivre un concubinage dont elle est une victime pour l’honneur.
Charlotte Elisabeth Haïdé, dite Mademoiselle Aïssé », meurt le 13 mars 1733 emportée par la tuberculose, rue Neuve Saint-Augustin. Elle est inhumée à l’église de Saint-Roch dans la chapelle de monsieur de Ferriol.
En 1758, par un heureux hasard, grâce au petit-fils de Madale Clanderini, les lettres d’Aïssé tombent entre les mains de Voltaire qui estime que les lettres sont authentiques et ont matière à être publiées. Ce n’est qu’en 1787 qu’elles apparaissent dans une première édition annotée de Voltaire. D’autres éditions suivront.
D’Aydie va reconnaître officiellement sa fille et sera un père affectueux et attentif qui se consacrera à son éducation. Il rentre définitivement sur la terre Périgourdine de son beau-frère et de sa sœur, la marquise Marie d’Abzac de Mayac où l’esprit, la beauté de Célinie déchaînent l’enthousiasme et les fêtes se succèdent à Lanmary, les Bories et aux châteaux de ceux qu’elle vient voir. Le vicomte Pierre de Jaubert va l’épouser le 16 octobre 1740 et le couple habitera au château de Nanthiat. Le chevalier lui, terminera sa vie à Mayac en compagnie des siens dont son frère, le riche et épicurien abbé François Odet d’Aydie et l’endroit deviendra le rendez-vous de la noblesse locale et sera désigné comme le « petit Versailles » de la province.
Comme Les truffes et la bonne chère occupent sa vie, il y gagne de devenir goutteux et c’est d’un excès de goutte qu’il meurt en revenant de la chasse, au château de Mayac le 13 janvier 1761 »
Aïssé, esclave devenue dame de la haute société, fascinera ses contemporains, Mozart en 1782 signe « l’enlèvement au sérail » et elle continuera à inspirer la littérature. Alexandre Dumas publie en 1844 « Le Comte de Monte Cristo » où il se ré-approprie la relation entre Aïssé et le comte de Ferriol.
La postérité ne se serait pas occupée de Blaise d’Aydie, ce cadet de famille noble, si cette histoire d’amour ne l’avait rendu célèbre en l’auréolant d’un prestige de légende suscité par cette petite esclave devenue dame de la haute société.
Source « Le chevalier d’Aydie et Mademoiselle Aïssé » Périgueux 7 rue Gambetta - 1924.Emile Dusolier-
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Chevalier Blaise-Marie d’Aydie (1692-1761). Charlotte Elisabeth Haïdé dite Aïssé (vers 1693-1733)
MAAP Musée d’Art et d’Archéologie du Périgord. Attribué au peintre Nicolas de Larguillière -
château de Jegenstorf -
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