le château du Pizou au Pizou - Périgord Vert
- Glady de Brégeot
- 8 juil. 2024
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 juin
Situé sur la commune de Le Pizou, en Dordogne, à la frontière avec la Gironde, le fort d’origine du Pizou est directement longé par l’ancien chemin médiéval reliant Bazas à Angoulême, aujourd’hui intégré à la propriété. Ce chemin d’importance témoigne déjà de l’ancrage stratégique du site de la famille Rauzan. Détruit en 1566, par les troupes protestantes d’Armand de Clermont de Piles. Il va être vendu par Marguerite Duras de Durfort, dame de Rauzan, qui a épousé en 1551, Léonor Chabot, baron de Jarnac, seigneur de Saint-Gelais, de Saint-Aulaye et de Montlieu.
Les ruines passent alors de mains en mains, jusqu’à leur acquisition en 1610 par la puissante famille d’Aulède, qui entreprend peu après une reconstruction ambitieuse, intégrant certaines fondations médiévales au nouvel édifice. Cette reconstruction, longue et progressive, s’étale à cheval sur les règnes de Louis XIII et Louis XIV.
À l’Est, le château borde le ruisseau du Marchand ou La Forêt, enjambé par un ancien moulin construit au début des années 1700, dont la retenue d’eau est encore visible et fonctionnelle. À l’arrière, un large fossé ceinture la façade Nord et se prolonge vers l’Est ; son tracé laisse penser à un système de fossés alimenté par le ruisseau, ayant eu probablement une fonction défensive. Le plan cadastral napoléonien de 1844 montre encore un ensemble quadrangulaire à cour fermée, et un réseau de fossés relié au cours d’eau.
Le château présente une remarquable symétrie qui semble avoir été recherchée à chaque étape de sa construction. D’une longueur de plus de 70 mètres, il est parfois considéré comme « la chartreuse » la plus longue du Périgord.
Édifié en bordure d’un plateau au sous-sol rocheux, il domine le paysage environnant et offre une vue dégagée jusqu’aux trois tertres de Puynormand. Orienté vers le Sud, il s’adosse à l’arrière à une cour intérieure close.
Le bâtiment s’organise autour d’un logis central à pente douce, couvert de tuiles canal, dont la sobriété contraste avec le reste de l’ensemble. Celui-ci est flanqué de deux tours à toiture en croupe et coyaux, recouvertes de tuiles plates. La tour Ouest, atypique, est en pan de bois et briquettes, dite « à colombage » ; sa charpente, plusieurs fois centenaire, semble être d’origine. À leurs extrémités, deux pavillons coiffés à la Mansart, couverts de tuiles plates et de terrassons en tuiles canal, ferment l’ensemble. Les parties extérieures des cheminées, appelées souches, sont quant à elles monumentales et occupent une position singulière, à cheval entre les tours et le corps de logis central. Une génoise homogène à trois rangs ceinture l’ensemble.
Une troisième tour, l’ancien colombier, a été reconstruite dans les années 2020 à partir de photographies de la fin du XIXe siècle. Elle est reliée au château par un passage discret. La cour intérieure est fermée par deux dépendances et deux murs très épais, probablement vestiges de l’ancienne enceinte fortifiée.
Une cave voûtée, située sous la tour Ouest du château, se prolonge en un ancien tunnel aujourd’hui partiellement effondré. La destination de ce passage souterrain demeure incertaine, ce qui alimente encore plusieurs récits et légendes au sein du village.
À l’intérieur, le logis conserve de précieux éléments d’architecture : plafonds à la française, escaliers en pierre, solivages moulurés, et de nombreuses cheminées en pierre de style Louis XIV, ornées de manteaux chantournés, de fleurs de lys et de motifs floraux sculptés.
Un vaste chantier de sauvegarde est lancé en 2014 par ses anciens propriétaires lillois, qui sauvent le domaine de la ruine et l’embellissent avec un grand respect pour son histoire. En 2024, le château change de mains et devient la propriété d’un industriel français, qui y installe le siège et le centre de recherche de sa société. Ce dernier, passionné par le dialogue entre tradition artisanale et innovation patrimoniale, s’attelle personnellement à l’achèvement des restaurations.
Dans ce cadre, de récentes recherches ont mis en évidence l’usage historique d’un ocre jaune soutenu, appliqué non seulement sur les tuiles canal, mais également sur les volets et huisseries. En cohérence avec l’époque de construction, cette teinte a été réintroduite lors de la campagne de finition menée en 2025. Cet ocre jaune lumineux, appliqué selon des méthodes traditionnelles sur les volets et huisseries, et bientôt à nouveau sur les toitures, fut produit avec les mêmes pigments que ceux employés lors de la dernière campagne de restauration du château de Versailles, dont la période de référence de construction est similaire à celle du château du Pizou.
Source :
Archives propriétaire Geoffrey Delpy
Becker Line, Pagazani Xavier, Provost Marion (Patrimoine-nouvelle-aquitaine.fr)
Le Périgord des chartreuses JM Bélingard – D. Audrerie et E.Du Chazaud Pilote 24 –
Aymar de Saint-Saud : Généalogies périgourdines (Bergerac, 1925), Série II
Photos Jonathan Barbot



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