La Mission Patrimoine 2022, portée par Stéphane Bern, sous l’égide de la Fondation du patrimoine, du ministère de la Culture et de la Française des jeux (FDJ) et qui encourage depuis cinq ans la sauvegarde des sites en péril a présenté il y a quelques jours, une liste de 100 projets qui seront soutenus dans toute la France. Sept figurent dans le Sud-Ouest dont celui du sauvetage des deux hauts fourneaux des Forges d’Ans qui recevront 168 000 €.
Au XIVe siècle le seigneur de Hautefort, a marié une de ses filles à un seigneur d’Ans en Belgique (Flandres). Elle lui apporta en dot 18 paroisses à l’Est de Périgueux en direction de Limoges, appelées »pays d’Ans » avec des forêts pour faire le charbon de bois, des rivières pour faire tourner les roues et du minerais, donc tous les ingrédients pour une possible industrie sidérurgique….
La châtellenie d’Ans était une seigneurie justicière au XVème dont le château se trouvait à La Boissière d’Ans, il était le fondement de l’autorité politique et miliaire et la résidence du capitaine de la châtellenie.
En 1691 Louis XIV est en guerre et a grand besoin de bouches à feu. François de Hautefort d’Ajat (1627-1718) est l’homme de la situation. Il va constituer un réseau de maîtres de forges de l’Est et Sud du Perigord. A la Boissière d’Ans, il rachète le moulin à papier profitant des cascades du Blâme, affluent de l’Auvezère, sur lequel sera construit un barrage propice aux installations hydrauliques. Il y fait construire un haut-fourneau constitué de « deux fourneaux pour fondre au lieux d’Ans » . C'est à la forge d’Ans que seront fondus des canons destinés à la Marine Royale. Une fois réalisés, ils étaient acheminés par voie terrestre sur 34 kilomètres au port du Moustier sur la Vézère d'où ils étaient transportés par voies fluviale puis maritime jusqu'aux arsenaux de Rochefort, pour lesquels 24 forges avec haut-fourneau produisaient, réparties sur les actuels départements de la Charente (forges angoumoises de Rancogne puis de Ruelle) et de la Dordogne.
Bernard de Hautefort, fils de François, va devoir céder la forge en 1738 à un ancien camarade de régiment Louis Chapon du Bâtiment qui lui réclame une créance. Cette créance sera revendue à Jean Bertin maître de forges, qui a pour fils Henri Léonard Jean Baptiste Bertin né en 1720, devenu avocat et conseiller puis intendant du Roussillon en 1749. il exercera ces mêmes fonctions à Lyon en 1754 puis sera lieutenant général de police puis contrôleur général des finances. En 1763 Contrôleur des finances, il essaye de lancer une politique économique en France et se fait remarquer sur deux thèmes, création de l'école vétérinaire (de Lyon et de Maisons-Alfort) et tente de créer une école des mines. A cette date, il était considéré comme un des meilleurs spécialiste de la métallurgie. Il s'est opposé à Montalembert et a imposé Maritz et sa machine à forer les canons. Les premiers essais furent faits avec succès à la forge d'Ans. Son père avait déjà des intérêts dans la forges d'Ans sous Louis XIV. Pour comprendre la puissance du pére et du fils Bertin, il est bon de savoir que de 1720 à 1754, Jean Bertin puis son fils Henri-Léonard Bertin de 1754 à 1789, étaient propriétaires du domaine entier du château de Bourdeilles. A ce stade, jé vous conseille de lire mon post https://perigordalentour.wixsite.com/website/post/au-xviiie-siècle-la-puissance-du-périgourdin-jean-bertin-et-l-ascension-de-son-fils-préféré -
Jean Bertin et son fils auront fait connaître aux forges, une belle prospérité, mais les démêlées juridiques liées à la récupération des forges après un long procés de la fille de Bernard, la Comtesse Marie-Thérèse de Hautefort qui avait épousé en 1741 le Comte Jacques d’Arlot de la Roque et de sa petite-fille la Marquise Suzanne-Thérèse de Taillefer qui obtiendront gain de cause encore sous Louis XV, feront que la forge passera en 1791 en pleine époque révolutionnaire à Jean Festugière qui en était déjà le gestionnaire. Celui-ci développera avec ses fils les forges voisines et celle de la Boissière d’Ans sera considérée comme la plus importante du Périgord.. Elle atteindra son apogée en se spécialisant dans la production d’artillerie, à la faveur des guerres révolutionnaires puis Napoléoniennes.
Le préfet de Dordogne de l’époque disait que Jean Festugière était l'homme « le plus entendu dans la fabrication du fer ». Sa mort en 1829 marque le déclin de la forge qui coïncide avec la révolution industrielle.
En 1870 c’est Abel Picaud qui reprendra l’affaire mais l’histoire se termine. Il tente en 1868 de sauver l’industrie du fer du Périgord en créant une section du comité des Forges, mais l’essor économique en décidera autrement…
Aujourd’hui la maison de maître édifiée par Jean Festugière entre 1791 et 1810 ainsi que l’emplacement du site appartiennent à des propriétaires privés qui ouvrent le site à la visite pour des rencontres organisées par « la route des canons et le cercle de recherche des fonderies du Pays d’Ans ».
C'est fin 2008 que le site de la forge a été inscrit au titre des monuments historiques.
la maison du passeur construite en 1846 au port du Moustier -
ancien port du Moustier -
août 2021 - consolidation du haut-fourneau
bravo pour cette contribution
Bonsoir Madame, puis-je vous suggérer une toute petite correction. J'ai grâce à vous compris le lien entre le pays d'Ans dans la région de l'Auvézère en Dordogne, et la commune de Ans en Belgique, à quelques km de la ville de Liège et faisant partie de ses faubourgs. Liège était d'ailleurs un état indépendant jusqu'à la Révolution de 1789, qui s'appelait la principauté de Liège, dirigée depuis le Moyen-Age par un Prince-Evêque et dont le territoire recouvrait à peu près 25% du territoire de la Belgique actuelle. Cette principauté tirait sa fortune depuis le Moyen-Age de la fabrication et la vente d'armes de guerre et de canons (un peu comme le pays d'Ans en Dordogne ultérieurement et comme la Suisse).…