Conty à Coulaures
- Glady de Brégeot
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Au cœur du bourg de Coulaures, à proximité immédiate de l'église paroissiale Saint Martin, le « noble hospice de Comtia » est connu depuis le début du XIVe siècle. De nos jours, sa cour à l'ordonnancement classique, séparée du bourg par des communs, est précédée d'une avant-scène verdoyante : le bief alimenté par la Loue entraînait le moulin sous lequel une eau tumultueuse s'engouffre toujours avec fracas, pour resurgir plus loin et s'écouler paisiblement le long d'une ancienne charmille.
Caractéristiques de l'architecture défensive médiévale, deux tours avec mâchicoulis sont accolées à un bâtiment bien plus récent, reconstruit au XIXe siècle.
Aussi loin que les textes nous permettent de reconstituer l'histoire locale, Conty relevait de la puissante châtellenie d'Excideuil, elle-même vassale des vicomtes de Limoges, dont elle constitue une possession méridionale. Les plus anciennes familles féodales se succédèrent à la tête de la Vicomté de Limoges : Comborn, Bretagne, Albret, Bourbon, des Cars et enfin Talleyrand. Jeanne d'Albret ayant transporté la vicomté dans la famille de son mari, Antoine de Bourbon, c'est à ce titre que leur fils, le futur Henri IV, fut d'abord vicomte de Limoges, seigneur d'Excideuil et donc suzerain direct du seigneur de Conty.
La plus ancienne famille citée porte le nom du fief : le 2 décembre 1358, Eymeric de Conty, fils de feu Louis de Conty, dicte son testament à Périgueux. Ce pourrait être les auteurs de la famille du Reth (alias Dureth, Duret), qui habite les lieux au XVe siècle. En 1450, Pierre Dureth, seigneur de Conty, reçoit de Jean de Bretagne, comte de Périgord et vicomte de Limoges, l'entière justice de « l'hostel et repaire de Conty avec toutes et chacune ses appartenances », y compris les alleux du Colombier et de La Reille. Cet acte, signé au château de Ségur en Limousin, sera rappelé à maintes reprises par les seigneurs successifs de Conty pour justifier de leurs droits immémoriaux. De cette époque datent les blasons sculptés sur le château et dans la chapelle seigneuriale de l'église.
Par la suite, Eymeric de Conty partage son domaine entre deux de ses fils, « la maison noble de Conty » en faveur d'Antoine, La Reille à son cadet Louis. En 1527, Henri d'Albret, roi de Navarre, renouvèle et réaffirme le droit de litre funéraire en faveur des seigneurs de Conty dans l'église paroissiale, où ils ont leurs tombeaux.
Conty est ensuite transmis par les femmes sur plusieurs générations : Anne du Reth, fille d'Antoine et héritière de Conty, épouse vers 1539 Samson de Camblazac. Leur fille Hélène de Camblazac se marie à son tour en 1574 avec Jean du Puy de Trigonan, nouveau seigneur de Conty. Veuf onze années plus tard, il convole en deuxièmes noces avec Arzen de Vieillechèzes, issue d'un vieux lignage quercinois de la vicomté de Turenne.
Leur fille, Marguerite du Puy de Trigonan, épouse, elle aussi un cadet d'une ancienne famille de la vicomté de Turenne : le 20 février 1610, « en la maison noble de Conthie en Périgord », elle signe « Marguerite de Conthie ». Au bas de son contrat de mariage avec Jean de Lestrade de Floirac, cinquième fils de François de Lestrade et de Marguerite de Luzech. C'est le début de près de quatre siècles de présence pour cette branche de la famille de Lestrade de
Floirac, devenue Lestrade de Conty.
Les seigneurs de Conty sont alors successivement, Jean-Marc de Lestrade, fils aîné de Jean et de Marguerite du Puy, marié en 1647 avec Jeanne Coustin du Masnadaud, d'ascendance limousine. Leur fils François Il de Lestrade, chevalier, seigneur de Conty et de Coulaures, est admis parmi les pages de la Grande Ecurie sur preuves remontant à 1352. Capitaine au régiment de Bourbon Dragons, on le retrouve sur le Rhin ou à Turin, sous les noms de « Monsieur de Floyrac » ou « Monsieur de Coulor » dans le prestigieux corps des Mousquetaires Noirs. De son deuxième mariage avec Madeleine de La Garde de Saint Angel, il eut François Ill, comte de Lestrade, chevalier, seigneur de Conty et autres lieux, qui prend possession de Conty en 1723. L'inventaire réalisé à cette occasion nous offre la photographie du patrimoine - modeste - d'une famille noble et terrienne au XVIlle siècle, loin des clichés fabriqués pour les besoins de la Révolution. La richesse alors de Conty est son domaine vinicole, dont les trois cuves réunies écoulent une cinquantaine de barriques.
François Ill de Lestrade de Conty s'allie successivement à deux des plus anciennes familles du Périgord : Anne Chapt de Rastignac, du château de Laxion, en 1727, puis Gabrielle d'Abzac de La Douze en 1745 ; leur fils aîné, Jacques-François de Lestrade de Conty, hérite de la seigneurie à la mort de son père en 1779 et porte le titre de marquis. Chevalier de Saint Louis, il est aussi baron de Flomont et premier coseigneur de la ville de Meyssac en vicomté de Turenne, après son mariage en 1777 avec Marie-Geneviève de La Mothe de Flomont.
Le « citoyen Jacques François Lestrade Contie » est incarcéré un temps « pour sa qualité de noble » pendant la Terreur, autorisé cependant à regagner son domicile en mai 1793, sous surveillance au moins jusqu'en novembre 1794.
Leur fils Henry, maire éphémère de Coulaures pendant cinq mois de mai à septembre 1830, réside essentiellement au château de La Queyzie (en Saint Chamassy), domaine de sa femme Jeanne de Vassal, épousée en 1801. C'est leur propre fils aîné, Léon-François de Lestrade de Conty, qui devient maître des lieux après son mariage en 1827 avec Louise de Lestrade de La Cousse, descendante des seigneurs de La Cousse à Coulaures. Maire de Coulaures pendant 32 ans, de 1836 à 1869, avec une courte interruption pendant la révolution de 1848, Léon-François fait construire la nouvelle aile d'habitation vers 1830.
Leur fils aîné, Edmond, ayant fait souche en Poitou depuis son mariage, Conty revient à leur second fils, le comte Adhémar de Lestrade de Conty, époux de Marie de Bourgogne en 1880. Tony, leur fils aîné, se marie en 1907 avec Madhia Marmissolle-Daguerre, et le couple vit à Conty. Leur fils François de Lestrade de Conty décède en 1995 sans postérité, clôturant la longue succession des Lestrade à Conty. A son décès, le château se transmet à la descendance de sa sœur, dans la famille de Riverieulx de Varax dont l’un des frères a levé l’indivision devenant l’actuel propriétaire.
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