Nous voici fin novembre, bloqués au mieux devant une cheminée, au pire en ville dans un appartement et la photo du Château de Monbazillac pris de nuit dans ses vignes, me donne l’idée que derrière les hauts murs des châteaux, se sont tramés bien des complots et des assassinats sordides et que peut-être nous ne sommes pas à plaindre. Pour illustrer mon propos, je vous parlerais :
- Du crime de Pierre Fournier dans la nuit du 14 juillet 1575 dans son manoir épiscopal de Château l’Evêque (situé à 7 km de Périgueux route de Brantôme-Angoulême - sur la commune de Château l’Evêque qui avant 1831 - décret royal de Louis-Philippe - s’appelait Preyssac d’Agonac)
Pierre Fournier issu d’une noble famille auvergnate est chanoine de la Sainte-Chapelle de Paris lorsqu’il est nommé Évêque de Périgueux (de 1561 à 1575). Pendant son episcopat, la réforme protestante se développe dans son diocèse. L’evêque est capturé et il n’est libéré que contre le paiement d’une forte rançon.
Il est assassiné dans la nuit du 14 juillet 1575 par ses « serviteurs auvergnats » qui l’étranglent, le recouchent dans son lit et s’enfuient avec ses écus. Le roi Henri III désigne dès le 18 juillet François de Bourdeille des Bernardières pour lui succéder - il ne sera Évêque de Périgueux que le 13 septembre 1600,
- L‘Affaire du crime de Hautefaye 1870 -
La seigneurerie de Connezac (Périgord vert proche de Mareuil) appartenait avant 1284 aux familles Roux puis par alliance aux Maumont suivi en 1438 aux Conan et ce pour quatre siècles.
A la révolution le puissant seigneur de Connezac est Louis Thomas de Conan, comte de Montbrun, puis son fils Alexis chevalier de Saint-Louis et officier au régiment du roi. Sa fille épouse Louis de Galard de Béarn et le couple aura aussi une fille qui transmettra le château à sa cousine germaine Marguerite de Monéys d’Ordières, marquise de Rolland. Les Galard de Béarn vont quitter le Périgord en 1870, abandonnant le château transmis de génération en génération depuis 1284 à la suite de l’affaire d’Hautefaye qui fera grand bruit, situé à 6 km de Connezac.
L’affaire d’Hautefaye :
C’est dans le contexte de la guerre de 1870 appelée guerre franco-prussienne qui ne durera que six semaines et causera cent mille morts dans chaque camp, que le drame va se jouer.
La veille, le 15 août la fête de l’Empereur fut fervente et joyeuse pourtant la situation économique en Dordogne est désastreuse pour les agriculteurs et ce 16 août, jour de foire annuelle les affaires s’avèrent mauvaises et les paysans périgourdins craignent un complot ourdi par les « nobles et les curés« pour renverser Napoléon lll.
Arrivant de son château voisin de Bretanges à Beaussac, vers les quatorze heures, Alain de Monëys d’Ordières est pris à partie, après la fuite de son cousin, Camille de Maillard, qui aurait crié «À bas Napoléon ! vive la République »…
Alain de Monéys aura beau assurer être du côté des paysans, dire vouloir s’engager pour combattre les Prussiens… une mécanique monstrueuse s’est mise en marche. La foule va supplicier à coups d'aiguillons et de sabots durant plus de deux heures le jeune noble de 32 ans. Le délire est incontrôlable car les massacreurs considèrent avoir à faire à un traitre. Un bûcher est édifié et finalement il est brûlé plus ou moins vif.
Impossible de raisonner l’assistance et le Maire d’Hautefaye découragé, aurait alors dit « mangez-le si vous voulez ».
Vingt et un hommes seront inculpés dans cette affaire. Quatre seront guillotinés à Hautefaye le 6 février 1871, sur les lieux mêmes du crime en signe d’indignation. Un cinquième sera condamné à des travaux forcés à perpétuité et les autres protagonistes avérés, aux travaux forcés.
L’affaire fera grand bruit dans la presse. A la chute de l’Empire, rayer Hautefaye de la carte a même été proposé.
- Du triple crime d’Escoire au château d’Escoire à 15 km de Perigueux sur la route de Limoges.
Durant la nuit du 24 au 25 octobre 1941, Georges Girard, haut fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères à Vichy, est assassiné à coups de serpe dans son château d’Escoire, en Dordogne…/…( Cet homme né en 1891 pouvait s’enorgueillir d’un parcours littéraire remarquable - « Conservateur à la Bibliothèque du ministère des Affaires étrangères. - Archiviste-paléographe. - Membre de la Commission pour la publication des documents relatifs aux origines de la guerre 1914-1918. – Il Publia des travaux historiques, littéraires, une comédie en collaboration avec Fernand Fleuret. - Assura les chroniques historique et théâtrale de l'"Opinion", puis du "Figaro littéraire", collabora aux "Cahiers de la République des lettres" et aux "Nouvelles littéraires". - Prix Edouard Fréville de l'Académie des sciences morales et politiques (1922) et prix de la Renaissance (1925) pour "Les vainqueurs". - Docteur ès lettres. - Chevalier de la Légion d'honneur (1925) »)…/…
Deux autres victimes, sa soeur Amélie et leur bonne Marie Soudeix gisent près de lui. Toutes les issues sont closes, nulle trace d’effraction. Seul rescapé du drame, le fils, Henri Girard, fournit des explications confuses. Il prétend n’avoir rien vu, rien entendu. Tandis que les enquêteurs procèdent aux premières constatations, il joue au piano Tristesse de Chopin. Très vite soupçonné, Henri est inculpé et écroué à la maison d’arrêt de Périgueux. À 24 ans, ce personnage haut en couleur a déjà défrayé la chronique. Élève brillant mais provocateur, il a abandonné ses études de droit pour mener une existence de dilettante. En juillet 1941, il a même prétendu avoir été arrêté par les Allemands afin de soutirer une rançon à sa tante Amélie ! Cependant, il proteste vigoureusement de son innocence et aucune preuve sérieuse ne peut être retenue contre lui. « La rumeur publique est contre lui, car on lui a toujours trouvé une attitude étrange », reconnaît le maire du village. Et dans le contexte difficile de l’Occupation, l’instruction est bâclée. C’est Me Maurice Garçon qui va assumer sa défense lors du procès qui s’achève le 2 juin 1943 à Périgueux. L’avocat démonte toutes les présomptions de culpabilité. Après dix minutes de délibération, Henri Girard est acquitté sous les applaudissements.
Après avoir dilapidé son héritage, Henri Girard ira barouder en Amérique du Sud. Il en reviendra avec un roman d’aventures qu’il publie sous le pseudonyme de Georges Arnaud, le Salaire de la peur. Adapté au cinéma en 1953 par Clouzot, avec Yves Montand et Charles Vanel, cela reste l’un des films mythiques de l’après-guerre.
- Et du crime de trois personnes dont un bébé de cinq semaines par l’ancien propriétaire du château de Campagnac à Saint-Pardoux-et -Vielvic près du Buisson de Cadouin.
C’est en 1980 que Jean-Marie Von Matt et son épouse Simone, se sont installés avec leurs fils, au Château entouré de 200 ha. Cette riche famille roulant en Rolls ou Bentley n'étonnait pas car entre Sarlat et Bergerac les châteaux restent dans les familles ou changent de mains - « c’est un Lord, un Emir »…
Lui méprisant, ne se laissait pas approcher facilement -on le disait « particulier » alors que son épouse restait courtoise avec les gens du village et faisait l’Ecole au Château pour ses fils.
En 1996 où 1997 les Von Matt ont revendu le Château « partant en catimini » diront certains habitants…
Depuis 1997 la famille vivait à Miami. Le décès brutal en décembre 1999 de Simone Von Matt a précédé le drame joué dans l’intimité d’un autre couple, les Moulinier demeurant à Flavin en Aveyron. En janvier 2000 Patrice Moulinier reçoit un appel de son ami qu’il ne voyait plus depuis quatre ans pour lui faire part du décès de Simone qui fut sa maîtresse quinze ans auparavant, avec l’accord d’un mari effectivement « particulier ».
Le 14 février 2000 Jean-Marie Von Matt arrivé des États-Unis via La Suisse se rend à Flavin et tue Manuela et sa fille de 12 ans Morgane Moulinier et enlève son bébé de cinq semaines, pour semble-t-il se venger de l’adultère ancien.
Le lendemain, le bébé est tué d’un coup de pistolet dans la voiture louée, sur le trajet entre Flavin et la Dordogne puis brûlé dans le parc du château de Campagnac, par l’auteur du massacre, Jean-Marie Von Matt 52 ans, retrouvé suicidé un mois plus tard à Miami (Etats-Unis).
Photo de couverture DR - d‘Olivier Diaz de Zarate - vins de Bergerac et de Duras -
Le château de Monbazillac et son vignoble de nuit -
pour l’atmosphère de cette photo où aucun crime sordide n’a jamais été commis -
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