Datant pour sa partie la plus ancienne de la seconde moitié du XIIIe siècle, le château de Badefols d’Ans est bâti sur un site escarpé dont le rocher affleure en maints endroits dans les caves. De son site exceptionnel, il domine un impressionnant panorama : au nord les coteaux boisés du Limousin, à l’est les mamelons arrondis des Monédières, au sud les vastes forêts du Sarladais, et à l’ouest la masse du château d’Hautefort et le pays de Thiviers.
Edifié en limite de la châtellenie d’Ans en Périgord, le repaire noble relève à ce titre de la vicomté de Limoges jusqu’au XVIe siècle, avec haute justice sur les paroisses de Badefols, Châtres et la chapelle Saint Jean. Les plus anciennes familles seigneuriales de Badefols sont les Beauroyre et les Bonneguise, deux lignages chevaleresques dont on suit la trace dès le XIIIe siècle. Les Badefols proprement dit apparaissent au milieu du XVe siècle, peut-être issus des Bonneguise.
Le haut donjon défensif, construit avant la guerre de Cent Ans, domine de sa masse un logis rustique et puissant, couronné de mâchicoulis, de même facture que lui et épaulé de deux tours d’escalier, l’une carrée, l’autre ronde. Un linteau blasonné aux armes des Badefols date cet ensemble de 1501. A la fin du XVIIe siècle, les Royère ajouteront un corps de logis à vocation d’habitation, avec toit à la Mansart. L’ensemble est couvert de toits d’ardoises. Dans le même élan, de gigantesques travaux de remblais donnent au site l’aspect que nous lui connaissons aujourd’hui.
Après le Traité de Brétigny (1360), les Anglais sont maîtres en Aquitaine et en vicomté de Limoges. En 1368, le fils aîné du Roi d'Angleterre, Edouard de Woodstock (le Prince Noir) cède le donjon de Badefols à Bertrand de Born, descendant du célèbre troubadour et seigneur d’Hautefort. Repris par les Français, Badefols réintègre les possessions des vicomtes de Limoges : Maisons de Dreux-Bretagne, Penthièvre, puis Blois-Châtillon, dont l’héritière, Françoise de Châtillon, épouse Alain d’Albret en 1470 et dont descendent les rois de Navarre. C’est à cette époque que l’on perce des fenêtres à meneaux et que des chemins de ronde couronnent les tours.
L’arrière-petite-fille de Françoise de Châtillon et d’Alain d’Albret, Jeanne d’Albret, épouse en 1548 Antoine de Bourbon, à qui elle transporte la seigneurie ; ils sont les parents du futur Henri IV, roi de France et de Navarre, mais aussi vicomte de Limoges et suzerain de Badefols.
Pour financer les campagnes de la maison de Navarre, Antoine de Bourbon puis son fils Henri IV démantèlent la vaste châtellenie d'Ans en vendant les fiefs un par un aux familles nobles locales, qui en acquièrent les droits de justice puis la seigneurie pleine et entière. Déjà en 1495, Marguerite de Pompadour, veuve de François de Badefols, avaient acquis d’Alain d’Albert une partie de la justice, permettant à son fils de prendre le titre de seigneur de Badefols. Dès 1542, puis en 1550 et 1610, Gauthier, époux d’Isabeau de Pierrebuffière, puis Guy de Badefols, tous deux seigneurs de Badefols, Peyraux, Muratel et Lacour, terminent d'acheter tous droits de justice, haute, moyenne et basse sur la paroisse de Badefols aux commissaires d'Henri IV. En 1627, sans postérité et dernier de son nom, Louis de Badefols désigne pour héritier son neveu François de Royère, fils de sa sœur Marguerite de Badefols et de Philibert de Royère. La fortune des Badefols semble être à son apogée car Louis laisse d'immenses revenus et les seigneuries de Badefols et de Peyraux sont ainsi transportées dans la famille de Royère.
En 1726, Dominique de Royère vend les terres et seigneureries de Badefols et de Châtres au maître de forges Jean Bertin, dont le fils, Henri Bertin, sera contrôleur général des Finances sous Louis XV. Mais Jean Bertin, qui exploite avec talent les forges de la Boissière d’Ans et qui est déjà propriétaire du château de Bourdeilles, revend Badefols et Châtres en 1753 à François de Bonneguise. Descendant d’une des plus anciennes familles chevaleresques du lieu, François de Bonneguise, premier écuyer de son Altesse Sérénissime Monseigneur le Comte d'Eu (Louis Charles de Bourbon, petit-fils de Louis XIV), peut enfin pleinement se qualifier seigneur de Badefols. Il réunit le fief à ses domaines d'Artigeas et de La chapelle Saint Jean, et obtient de Louis XV l’érection de l’ensemble en marquisat en 1762. Sans postérité de son mariage avec une demoiselle de Salignac de La Mothe Fénelon, nièce du cygne de Cambrai, il transmet la terre de Badefols à son neveu Charles-Gratien de Bonneguise. Devenu veuf, dernier représentant de sa lignée, celui-ci la revend en 1802 à Jean-Baptiste Daubrée.
Ce dernier ne conserve le château qu’une vingtaine d’années. Successivement propriété des Beaumont puis des Beauroyre, il est finalement acquis en 1869 par Pierre-Adolphe Labrousse de Beauregard, d’une ancienne famille de Montignac possessionnée à Châtres. Il est l’auteur des actuels propriétaires. C’est à cette époque qu’on édifie de nouveaux communs et que l’on aménage un parc, dans le goût du jour.
Le 1er avril 1944, alors que la Dordogne et la Corrèze sont déclarées zone interdite, des éléments de la Division allemande Brehmer investissent les lieux sur dénonciation et procèdent à l’arrestation de la totalité de la famille présente. Après le pillage des objets de valeurs, comme la veille à La Bachellerie, dont des toiles de maîtres (Holbein, Fragonard, Van Cleeve…) mises à l’abri à Badefols par des amis de la famille, le château est incendié, le grand escalier dynamité et l'essentiel des aménagements intérieurs anciens détruits : aucun sauvetage de meubles n’a pu être effectué. Tandis que les femmes restent six semaines en prison à Périgueux, le comte Jehan de Lestrade de Conty, membre du réseau de résistance OCM (Organisation Civile et Militaire) associé au réseau Combat, et qui avait dissimulé des armes et du matériel, est conduit en déportation avec son fils Louis. Seul son autre fils Adhémar, heureusement resté ce jour au collège Saint Joseph et seulement âgé de 17 ans, échappe à la tragédie. Jehan de Lestrade de Conty et son fils Louis font partie du convoi au départ de Compiègne le 12 mai 1944, à destination de Buchenwald. Seul Louis reviendra de l’enfer de Dora ; son père Jehan décéde à Buchenwald, le 29 octobre 1944. Il a été reconnu par la suite « mort pour la France ».
Après la Libération, le château a été en partie restauré à l’aide des dommages de guerre par la Direction Générale de l’Architecture et le ministère de la Reconstruction. Inscrit aux M.H le 11 avril 1947, inscription complétée en 2007, la propriété est privée et appartient aux descendants du comte Jehan de Lestrade de Conty.
Recherches numériques et texte mis en forme par Stéphane de Lestrade de Conty
château de Conty à Coulaures
- l‘Eglise - Photo Guy Lallemant
manoir de Larouverade -photo Guy Lallemant -
Dora - n’oublions jamais-
Votre dernière photo est celle du sinistre camp de Mauthausen. Ce camp de la mort a été libéré en mai 1945 par des détachements de l'armée américaine et de l'armée belge "reconstituée" à la libération de la Belgique en septembre 1944. Mon propre père faisait partie des libérateurs belges du camp. Il a été tellement marqué par les horreurs qu'il y a vues, qu'il en pleurait encore à chaudes larmes lorsqu'il l'évoquait 60 ans plus tard....